En entrant dans le vestiaire de la patinoire, vérifiant ainsi que tout le monde est bien parti avant que je ne ferme le tout à clef, mon regard se pose sur un des maillots qui traîne encore au sol. Secouant doucement la tête, c'est, finalement, un sourire qui s'affiche sur mon visage lorsque je m'avance et que je le ramasse. Lorsque j’aperçois le numéro 4 appartenant à Zach, mon cœur se gonfle de fierté tandis qu'une douce nostalgie naît en moi. Si mon premier numéro était le 8, j'aurais finalement, fait toute ma carrière en endossant le #4. Dans un soupir, je replie soigneusement le vêtement et le place sur le banc avant de m'y installer à mon tour. Regardant autour de moi, je m'adosse contre les casiers alors que je suis brusquement submergé par les souvenirs.

J'avais 5 ans lorsque j'ai suivi Julian, mon meilleur ami de l'époque, et son père à mon premier match de hockey. J'étais complètement et totalement émerveillé par ce que je voyais sur la glace. J'ignorais la violence, je ne voyais que le dépassement de soi, le physique incroyable des joueurs, leur adresse merveilleuse et l'ambiance incroyable qui régnait dans l'arène. En rentrant ce jour-là, j'étais persuadé de 200 % que c'est ça que je voulais faire ! Mes parents n'ont pas hésité bien longtemps avant de m'inscrire à mon premier cours, persuadé que j'allais vite me lasser. Mais contre toute attente, une passion s'est créée et a très rapidement pris une place considérable dans ma vie.

Évidemment, ce n'était pas un long fleuve tranquille. Car pendant que je faisais mes preuves sur le terrain, mon père, lui, m'a bien fait comprendre que ma voie professionnelle était toute tracée : je devais faire des études d'architecture pour reprendre, à la clef, son entreprise. Sauf que ça n'était absolument pas possible. Je ne compte plus le nombre de prises de tête violente que j'ai eu avec mon paternel ni combien de fois, j'ai frôlé les malaises et le burn-out à toujours vouloir gérer sur tous les fronts et à contenter tout le monde. Ce n'est que lorsque les médecins ont diagnostiqué à Evan, un des jumeaux, un cancer en phase terminale, que tout a changé à la maison. L'ambiance incendiaire a laissé place à la morosité, puis à la douceur et finalement à la profonde tristesse lorsque l'enterrement fut passé. Malgré tout, le fait que Peter était inconsolable et que ma mère s'est murée dans une dépression de laquelle elle a mit des années à s'en sortir, j'ai continué de jouer ma passion et je passais le plus clair de mon temps à la patinoire afin de mettre le plus de distance possible avec la maison et l'ambiance qui y régnait.

Et finalement, à 20 ans, ma vie a pris un tout autre tournant lorsque j'ai eu l'occasion d'intégrer les Canadiens de Montréal. Même un départ de la maison signifiait forcément abandonner le reste de ma fratrie et mes parents, je ne voulais pas passer à côté de cette incroyable opportunité et je suis parti à l'autre bout du pays, ce qui fut le lancement de ma carrière.

Pendant plus de 10 ans, j'ai joué avec les meilleures équipes du monde. Les Canadiens de Montréal ont fait place aux Maple Leafs de Toronto puis l'équipe National de république Tchèque qui m'a fait une place au sein de leur équipe jusqu'à ce que je ne sois remarqué par la Suède. C'est là-bas, avec les Tre kronor, que j'ai connu mes plus grands succès. Mais c'est aussi là-bas que ma carrière s'est brusquement arrêtée.

J'ai toujours cru que ma carrière se finira après la blessure de trop, à cause d'une épaule trop souvent démise ou parce que les ligaments de mon genou gauche auront fini par totalement me lâcher. Mais jamais je n'aurais cru que ce serait à cause d'une leucémie. Je ne me suis jamais senti invincible, mais j'étais loin, très loin, d'imaginer que ce soit cette forme de cancer qui arrêtera ma carrière. A 30 ans, j'ai quitté mon équipe coup de cœur et je suis rentré à Blurrydale pour suivre les traitements nécessaires ici. Et cette année, aussi horrible fut-elle, fut aussi une des plus belle qui m'ai été donné de vivre. Même si cette maladie a fait resurgir de vieux traumas laissés à l'abandon et presque oubliés, l'année de mes 30 ans était pourtant si gratifiante. Certes, j'ai eu énormément de mal à accepter de me voir aussi démuni physiquement, mais j'ai enfin réussi à recoller les morceaux avec ma famille que j'avais laissée loin derrière moi pendant tant d'années et c'est sans doute grâce à eux que j'ai réussi à fêter mon 32e anniversaire avec l'annonce que j'avais réussi à vaincre la maladie. Depuis, même si je ne suis pas à l’abri d'une rechute, le fait que je sois officiellement en rémission m'a donné envie de sortir de l'ombre. Et même si je ne pourrais plus jamais remonter sur un terrain et encore moins jouer au même niveau que quand j'avais 30 ans, je sais que je pourrais au moins aider et guider les jeunes jusqu'à leur rêve d'intégrer une équipe professionnelle. C'est à 33 ans que j'ai repris les rênes des Blurrystorms, l'équipe qui a vu naître ma passion et qui m'a permis d’accéder aux étoiles.

Je les aime, ces gamins, même s'ils ont encore un trop-plein de fougue et qu'ils ont parfois du mal à se rendre compte de leurs erreurs, je prends mon rôle vraiment très à cœur et je sais que je ferais tout pour les aider à arriver à atteindre leur rêve de prestige.