[ printemps. ] Je mettais ma plus belle robe, celle d’un bleu ciel et de dentelles blanches. Je me parais de mes petites chaussettes blanches remontant jusqu’aux chevilles d’un petit voile avec des fleurs brodées, joliment rajouté par ma mère. Ma mère était une avocate bien connue ici, à Boston, mais savait également bien manier la machine à coudre. Elle avait le sens du détail, d’autant plus quand il s’agissait d’aller à la messe du dimanche. Il fallait paraître bien, digne d’une famille modèle. Elle ajoutait une nouvelle fournée de muffins dans son panier en oseille qu’elle allait apporter à l’église en prétextant que « ce n’est rien, ça m’a pris à peine vingt minutes » alors qu’elle avait passé des heures dans la cuisine, recouvrant le plan de travail de farine, a préparer plusieurs fournées afin qu’il y en ait suffisamment. L’art du paraître, le père Summers, le gérait parfaitement également. C’était lui qui célébrait la messe. Pasteur dans une église de la ville, il été connu par les fidèles qui se réunissaient chaque dimanche. J’avais été baignée dans cette foi chrétienne dès ma naissance sans avoir réellement le choix. Ma grande-sœur s’était vêtue d’une belle robe couleur lilas, alors que mes deux frères semblaient être des jumeaux avec des costumes identiques. « Vous vous tenez droits, vous êtes sages et souriants. Je ne veux pas voir de bras croisés, et aucun bâillement. » nous prévenait notre mère avant chaque départ de la maison pour l’église. Et si on était suffisamment sage, au bout d’un moment on obtenait le droit d’aller en colonie de vacances l’été. Mais pas n’importe quelle colonie de vacances, celle pour les enfants de pasteurs, une colonie de vacances chrétienne. Ça nous permettait toutefois de partir ailleurs le temps de quelques semaines.


 [ été. ] Nos parents avaient opté pour une école privée pour nos études. Cette école coûtait une blinde, sans parler du prix de l’uniforme qui nécessitait de vendre un rein par enfant. J’avais échappé belle à l’école faite par les sœurs comme ils avaient décidés au départ pour mes deux aînés. Nous, deux derniers avec mon frère, avions été épargnés. Paraît-il que ça n’aidait pas à se faire des relations variées en terme de catégories professionnelles et sociales. Enfin, ils essayaient juste d’étendre leurs relations à travers nous, pour résumer. J’ai manqué plus d’une fois de me faire virer de cet établissement par mon comportement plutôt limite avec les professeurs, la discipline n’étant pas réellement mon fort, mais j’arrivais à l’année du diplôme. Jusqu’à ce dernier trimestre en 2017 où une affaire a affolé tout le corp enseignant et plus encore. « La fille Summers aurait couché avec son professeur de mathématiques. » se répétait frénétiquement dans les couloirs du lycée en ce dernier jour d’école, plutôt que de fuir où régnait un soleil tentateur aux plus belles folies. Ils pouvaient penser ce qu’ils voulaient, que ça m’avait permis de réussir mon année en m’attirant les faveurs d’un professeur. Seulement ils se trompaient. On était loin d’une relation intéressée, mais plutôt sur une véritable histoire d’amour. Certes, il était plutôt, beau, séduisant et mes notes avaient considérablement augmentées au fur et à mesure de l’année alors que j’étais une vraie quiche en maths, mais ce n’était pas ça la raison. En ayant demandé une aide supplémentaire à la fin des cours sur certains exercices, il prenait du temps pour moi. Il me donnait cette attention dont je manquais, alors je craquais. Puis ce qui devait arriver arriva dans la salle de classe. Il avait longuement hésité, souvent arrêté de peur de tout perdre, puis s’était laissé aller. Cependant c’est connu, les histoires d’amour finissent mal en général. Ça avait fini par se faire cramer et tout avait été révélé, suite à une enquête et une mise à pieds du professeur, il avait fini par se faire virer et je m’étais vue brisée par sa rancœur envers moi, de s’être fait duper par une jeune femme pour obtenir de bonnes notes et de l’avoir pousser alors qu’il avait tant repoussé mes avances. Il n’avait rien compris, ce n’était rien de tout ça. Je l’avais aimé.


[ automne. ] tw: revenge porn, slut shaming, abandon. Prétendant que mon année ne pouvant pas être validée suite aux événements avec ce professeur, j’avais dû retaper ma dernière année. J’avais changé d’établissement, l’ancien n’ayant pas accepté ma venue pour une nouvelle année. Bien entendu, toute cette histoire avait réussi à être tue par un accord entre la directrice et mes parents, histoire de ne pas affecter ma candidature dans une nouvelle école de renom. Ils avaient changé mes repères, mes amis, mes habitudes. J’étais blessée, complètement brisée par la finalité de cette relation qui m’avait coûté mon année scolaire. Alors je me dévergondait davantage, n’ayant plus rien à faire de l’institution. Je signais chaque mot adressé à mes parents pour qu’il n’en ait pas connaissance. Je faisais le mur le soir en sortant par ma fenêtre afin d’aller dans des soirées étudiantes et retrouver mes amis de mon ancien établissement scolaire, ainsi que découvrir de nouvelles personnes. Et il y a eu lui. Un gars qui faisait ses études au même endroit que moi. Un badboy très attirant, adulé par toutes les filles de ma classe. Alors il était devenu un challenge. Ce serait moi qui l’aurait. C’est à une soirée où je l’avais invité que tout s’est passé. Un baiser, de la tendresse, des mots tendres. J’étais charmée. Puis j’étais désemparée les jours suivants. Une vidéo avait fuité, une où j’apparaissais nue. Je me reconnaissais l’autre soir, avec le badboy pour qui je craquais. Il m’avait filmée à mon insu, dans ma plus grande intimité, pendant mes ébats avec lui lors de cette soirée. J’étais bloquée dans ma chambre, plongée dans le noir avec pour seule lumière celle de mon téléphone portable qui me montrer une fois de plus cette vidéo à chaque fois que j’allais sur les réseaux. Mes proches m’envoyaient cette vidéo, mes amis n’en étaient plus, et lui avait réussi son pari. Celui de coucher avec celle qui s’était tapé un prof. Alors que ma mère avocate se dévouait corps et âme à des démarches juridiques pour retirer cette vidéo d’internet et faire régner justice, demandant une grosse peine ; mon père, lui, me virait de la maison. « Je ne veux pas d’une traînée sous mon toit ! » hurlait-il en ouvrant la porte d’entrée de la maison et me jetant une valise remplie d’une partie infime de mes affaires. La réputation était plus importante que sa fille à ses yeux. Alors je quittais Boston pour aller vivre à Blurrydale, ville de mon enfance où j’avais passé plusieurs étés et où de la famille résidait.


[ hiver. ] Je débarquais à Blurrydale sans vraiment savoir ce que j’allais pouvoir faire ici. La seule raison de ma venue est que je connaissais l’endroit depuis toute petite, que j’avais de la famille et quelques connaissances ici. C’est du jour au lendemain que je toquais aux portes, bouche en cœur, afin de me faire héberger au pied levé. Les surprises ne sont pas toujours bonnes, mais j’ai toujours eu un sofa pour passer la nuit, voire un lit douillet. J’ai enchaîné quelques maisons histoire de quelques jours pour la plupart afin de ne pas déranger trop longtemps, avant de me poser chez des amis pendant quelques semaines. Il était naturel que je ne pouvais pas squatter ad vitam aeternam chez eux, alors j’ai enchaîné les petits jobs précaires à une vitesse folle afin de me faire de l’argent et quand j’ai trouvé un emploi plutôt stable, je les ai quittés pour rejoindre une colocation. J’aurais été barmaid en boîte de nuit, serveuse dans un bar pendant la période estivale, babysitteuse, promeneuse de chiens, femme de ménage chez des personnes âgées… Une multitude d’emplois qui ne demandaient pas de grands diplômes, n’ayant jamais obtenu mon diplôme de fin d’études pour cause de déménagement immédiat et non reprise à Blurrydale. J’avais complètement abandonné les études. Finalement, cela fait deux ans que je suis serveuse au blurry&beer, essayant de ne pas me faire virer à chaque retard sur mon heure d’embauche. Je n’ai plus de contact avec mon père qui a décidé de me rayer complètement de sa vie depuis l’événement de la fameuse vidéo, mais j’ai toujours le reste de ma famille.


[ vrac. ] adepte des soirées, il n’est pas rare de la voir festoyer en boîte avec un verre à la main • matcha addict, pour faire comme toutes les influences qu’elle suit • sportive, elle pratique le surf et a un abonnement à la salle de sport, avec une présence plus ou moins régulière qui fait douter de sa rentabilité • accro à son smartphone, elle est sur tous les réseaux sociaux possibles et y passe des heures avant de dormir • n’a jamais fumé, mais abuse souvent trop de l’alcool • malgré son éducation chrétienne, elle est athée • ne souhaite pas se marier, ni avoir d’enfant, et est persuadé de ne pas changer d’avis • appelle régulièrement sa sœur et ses frères pour garder un lien • est plus proche de sa famille de cœur que de sa famille de sang • adore assister à des matchs sportifs, peu importe le sport en question • sa fête préférée est halloween • cinéphile, connait parfaitement ses classiques.