identité. Halstead, si le nom ne raisonne pas ici il est cependant roi à Brisbane, là où l'empire familial est resté. un nom qui force le respect, un nom qui pèse sur les épaules. homme à la longue lignée et à l'espérance de vie minuscule. on l'a appelé Cameron à la naissance, ne s'attendant pas à ce que le prénom soit prononcé aussi longtemps. Cam c'est plus simple, c'est plus intime, ce n'est pas pour tout le monde. Monsieur Halstead c'est son frère, le gamin ayant hérité des responsabilités à sa place. lui il se garde le privilège du prénom murmuré entre deux verres, le sourire aux lèvres. il se garde RON., identité nouvelle, musique signée d'un petit bout de lui même. un secret qui n'en est plus un, nom qu'il a fini par partager, identités qui se sont rejointes. âge et date de naissance.  le temps qui passe et qui ne s'arrête pas. une course effrénée contre une montre cassée. petit garçon né d'un cri rauque au matin du 26 mars 1983. petit garçon qui ne réagi pas comme il faut, qui ne respire pas comme il faut. une arrivée qui inquiète et qui terrifie. malade. condamné. deux mots qui le suivent depuis maintenant quarante et un ans. deux mots qu'il déteste par dessus tout. ces syllabes lui ont pris tellement, lui ont laissé si peu. des lettres qui viennent jouer avec lui à chaque anniversaire, comme un rappel de la fin prochaine du chemin. un tic tac assourdissant qui se joue de lui sans même se cacher. chaque bougie soufflée est un pas de plus vers la dernière, une dernière qu'il a pourtant réussi à éviter jusqu'à présent. les optimistes voient en l'enfant devenu grand un miracle, voient derrière les rides qui se sont formées sur le coin de ses yeux une victoire contre la maladie. les fatalistes répondent que le temps s'amenuise et qu'il faut s'attendre à ce que la prochaine nuit soit la dernière. et son cœur s'affole, incapable de savoir quelle voix écouter. origines et nationalité. l'Australie pour terre d'accueil, l'Angleterre comme racines lointaines. une famille juive qui a quitté l'Europe alors que les bombes et la haine tombaient. l'histoire familiale est lourde, elle est chargée de bien des maux. l'héritage est venu tenter d'oublier sur les plages paradisiaques au milieu de l'océan. il n'y a pas beaucoup de traces dans son quotidien de ce patrimoine que ses gênes gardent. pas de religion ni de tradition, pas de patriotisme ni d'envie d'en savoir plus. bien sûr qu'il est déjà allé là bas, au Royaume-Uni. mais jamais n'a-t-il là bas pensé à ses ancêtres, trop occupé à faire la fête et parader dans les boites de nuit. il n'a jamais cherché à s'approprier la moindre identité, trop occupé avec le drapeau de sa propre sexualité. l'Australie lui suffit amplement. elle réchauffe sa peau et illumine son teint. elle lui manque, et en même temps il la fuit. refuse l'idée d'y retourner, et tant pis si ça doit briser le cœur de ses proches qui sont resté là bas. il y a trop de fantômes sur l'île quittée, trop de spectres terrifiants. statut civil et orientation sexuelle. le prénom brûle encore le bout de ses lèvres abimées par de nouveaux baisers. de lui, il ne veut plus parler. son nom, il a essayé de le noyer. il n'arrive pas à croire que cela fait presque deux ans qu'il s'est levé de ce lit froid malgré l'autre silhouette, qu'il a pris ses affaires et qu'il est parti. l'autre homme semble à des années lumières de Blurrydale et de cette nouvelle vie improvisée. l'ex par deux fois. la déception suprême. Brody. l'amour de sa vie. son plus bel échec. ils ont essayé par deux fois. ils ont foncé dans le mur avec fracas. parce qu'ils n'avaient pas les mêmes rêves, pas les mêmes envies. parce qu'ils ne voyaient pas le même futur dans les yeux de l'autre. des yeux qui le réveillent parfois, le souffle court et le cœur au bord des larmes. Cameron refuse d'écouter ce manque qui lui vrille les oreilles. la décision de rayer cet amour de sa vie, c'est lui qui l'a prise. c'est lui qui a décidé qu'il était temps d'arrêter les dégâts. pas assez fort pour se battre, pas assez fort pour attendre, pas assez fort pour abandonner ses rêves. il a préféré mettre fin à la plus belle de ses histoires. un conte qui ne voulait pas se finir par un happy ending, qu'il a décidé d'aller chercher ailleurs. bien sûr qu'il ne sera jamais aussi heureux que dans les bras de son autre. mais il sait aussi que la douleur était trop vive pour la supporter encore longtemps. parce que du temps il n'en a pas, l'angoissé. du temps, il en a trop perdu. l'étiquette mal attachée à sa peau pâle. parce que les mots ont toujours semblé de trop pour quelque chose de si naturel. un premier baiser avec une femme. une première fois avec un homme. il n'a rien caché, rien passé sous silence. a refusé de se torturer avec le regard des autres. il n'a eu besoin de rien dire, Cameron. ses parents ont compris. ses parents ont accepté. ils n'ont pas eu le choix, de toute façon. parce que c'est ce qu'il est, Cameron. amoureux de l'amour et des corps, de la fête et des excès. amoureux de la sensation d'une main au creux de ses reins. peu importe la main, peu importe si l'autre a des seins ou le visage couvert d'une barbe. peu importe la forme, le grain de la voix, la couleur de la peau. Cameron a besoin d'être aimé, il a besoin de compter. Cameron a besoin de se sentir pleinement vivant, d'obtenir l'extase à travers le regard d'un autre, d'une autre. la vie ne lui semble pas valoir le coup sans ça. sans un peu de tendresse, un peu de rudesse, un peu de baisers. emploi et activité, situation financière. finie la photographie, finies les journées à tourner en rond à ne rien faire d'autre que de se plaindre. l'enfant pourri gâté en a eu marre. photographe, il n'a jamais vraiment voulu l'être. un hobby tout au plus, un moyen d'occuper son temps entre deux fêtes trop arrosées. Cameron a laissé l'appareil et le reste de ses affaires chez sa mère sans regarder en arrière. pas comme s'il avait besoin d'argent de toute façon, l'héritier. il y a bien de quoi faire avec le patrimoine Halstead. il n'a jamais eu besoin de s'inquiéter de quoi que ce soit, ses ancêtres s'en sont assurés. Cameron n'a jamais été du genre à se chercher une vocation, à avoir besoin de s'accomplir professionnellement. il a eu bien d'autres choses à faire avec sa vie débridée faite d'amours, de fêtes et d'excès en tout genre. il n'a jamais eu besoin de rien d'autre que de sa musique. une musique qu'il a gardé pour lui si longtemps qu'il ne saurait même plus dire pourquoi. un secret qu'il a mis du temps à révéler à celui qui compte le plus pour lui. cette musique aussi, il a cru pouvoir la laisser dans les cartons. elle a fini par lui échapper à l'autre bout de la Terre, belle amie au milieu d'un pays étranger. il a joué dans un bar, un soir, parce qu'il était ivre et bien entouré. il s'est mis à chanter. la vidéo a rapidement fait le tour du monde alors qu'enfin RON. montrait son visage. parce qu'il y a Cameron, et qu'il y a RON. cet alter-ego, ce nom d'emprunt sous lequel il publie sa musique depuis des années a pris forme ce soir là devant un public sidéré. l'artiste sans visage et l'homme sans but ont fini par fusionner. ça fait un mois qu'il chante, Cameron. qu'il chante pour de vrai, pour de bon. un cri de l'âme bienvenu, une nouvelle respiration. il n'a pas fallut longtemps pour que l'australien craque. une nuit d'insomnie, un portable à la batterie pleine. compte TikTok ouvert à 2h du matin. première vidéo à 2h27. une chanson d'amour, une nouvelle. les centaines de vues sont devenues des milliers, des millions. un moyen de se ré-approprier son art, sa passion. de mettre sur ses mélodies un nouveau souvenir, un nouveau sens. n'importe quoi pour effacer la muse abandonnée au pays. la source de toutes ses chansons, surtout des plus belles situation familiale. orphelins, voici ce qu'ils sont les Halstead. un père perdu il y a de ça des années, pilier disparu trop soudainement, modèle envolé trop vite. Cameron avait seize ans quand le paternel s'est éteint. quand il est devenu l'héritier, le porteur du nom. une pression que l'homme a refusé, garçon malade incapable d'assumer les responsabilités trop fortes que l'on a voulu poser sur ses épaules. mauvais grand frère pour sa sœur, pour son frère. ainé incapable de la moindre sagesse. il a laissé les deux autres se débrouiller. parce qu'il a eu peur, Cameron. peur de les voir s'attacher de trop, comme ils s'étaient attachés au père perdu. peur de voir leurs cœurs se briser lorsque ce serait son tour à lui, l'enfant à la date de péremption imprimée sur le palpitant malade. rester éloigné pour ne pas faire souffrir, un plan stupide. un plan qui a fonctionné avec son frère, pas avec sa sœur. elle continue de le contacter la femme, quand l'autre Halstead a laissé tomber. lieu de résidence principale. il n'en a plus Cameron. a vendu la maison qu'il possédait à Brisbane, celle qu'ils n'ont jamais habité lui et son aimé. il a laissé les clés de son appartement à sa sœur, et puis il a pris la route. le sac de voyage n'est pas bien gros, le piano n'a pas pu le suivre. il vagabonde l'homme, trop riche pour que cela soit mal vu. deux années qu'il erre, qu'il visite les plages du monde entier, sa planche de surf comme seul luxe. les hôtels sont loués, des appartements parfois, le temps de quelques semaines. ce dont il a besoin il l'achète au jour le jour sans se poser de question, garçon bien à l'aise avec ses finances. il n'a plus de maison, plus comme on pourrait l'entendre, mais il s'en moque. au moins est-il parvenu à s'offrir la liberté.

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traits de caractère. un seul mot pour expliquer la silhouette dégingandée aux cheveux fous et aux yeux rieurs. la terreur. une peur tellement ancrée au fond de lui même. l'horrible connaissance que la fin et proche et que l'on y peut rien. il fait tout trop vite, trop fort, Cameron. il n'est pas sûr de voir demain. il n'est même pas sûr de voir le soleil se coucher, certains jours. alors il a longtemps joué au con. pour ne pas être faible il a fait le fort. pour ne pas que l'on ai pitié il s'est arrangé pour qu'on le déteste. pour qu'on lui crache à la gueule. l'excès il connait. faire celui qui s'en fiche aussi. petit garçon qui pleure le soir en s'imaginant ce que c'est que le rien. l'innommable rien qui l'attend. combien de temps n'a-t-il pensé qu'à son plaisir, fêtard égocentrique refusant de vieillir, voulant rester le gamin qui enchaine les soirées avec les potes. une âme qui refuse d'être mature parce que l'horloge le rapproche toujours plus de cette fatidique donnée par le médecin, celle de l'espérance de vie de ceux qui lui ressemblent. les derniers mois semblent avoir des années pour l'homme qui a l'impression d'avoir changé plus que de raison. c'est vrai. l'amour a été un ouragan qui a tout chamboulé. il sait enfin ce qu'il veut, le musicien. il sait aussi comme c'est dur de l'obtenir. les déceptions ont été nombreuses. alors il se protège, il s'avance sur des terrains qu'il connait, choisi la facilité. tout pour que son cœur ne se remette pas à saigner. quitte à effacer la flamme qui a été la sienne. quitte à s'enliser dans une apathie qui ne lui ressemble pas. de toute façon, il n'aura jamais ce qu'il veut. autant arrêter de vouloir. il a déjà trop gagné, celui que l'on voyait enterré bien plus tôt. quarante ans, un âge qu'il n'aurait pas dû dépasser. et la terreur qui se transforme en incompréhension, qui mue, qui lui donnerait presque de l'espoir.

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date d'arrivée à Blurrydale. 03/05/2024. date de départ envisagé. 24/04/2024 (non). quartier (durant le séjour). Mayflower Cove, à l'hôtel Hoffmann.

qu'est-ce qui vous amène à passer la saison estivale à Blurrydale ? la réputation d'une ville joyeuse, d'une ville ou tout est possible, et de nombreuses photos des plages du Cape Cod ont fini par le motiver à s'arrêter ici. chemin doucement dessiné tout le long de la côte est depuis janvier, villes qui s'enchainent, sable qu'il garde précieusement. il est beau l'hôtel, et les gens semblent sympathiques. alors Cameron compte profiter un peu des vagues avant de poursuivre sa route. combien de temps comptez-vous rester ? avec un peu de chance il sera parti à la fin du mois, qu'il se dit, inconscient de l'état de sa santé et de sa route qui se brouille. comment pourrait-il s'y attendre, Cameron, lui qui a trop crié au loup pour en voir la queue désormais. pensez-vous vous installer définitivement à Blurrydale ? la ville est minuscule, si loin du monde brillant où il a vécu. il est persuadé, le brun, que rien ne pourra le faire poser ses valises où que ce soit, que personne ne saura l'attacher au moindre port. peut-être dit-il vrai, peut-être le destin compte-t-il lui jouer des tours.

venez-vous à Blurrydale pour la première fois ou êtes-vous déjà venu·e auparavant (si oui, quand et dans quel contexte) ? il ne connaissait pas la ville avant d'arriver sur la cote est des Etats-Unis. pays traversé en long et en large au fil des années, ce n'est que maintenant qu'il s'intéresse aux villes côtières. étapes de son périple de surfeur, à la recherche de la meilleure vague. de la dernière, peut-être. avez-vous entendu parler des disparitions annuelles frappant la ville ? qu'en pensez-vous ? des disparitions il ne sait rien, n'a posé aucune question. son sac n'a pas encore été vidé, il n'a pas eu le temps de faire le tour des plages qui entourent Blurrydale. et puis de toute façon, ça ne le concerne pas. il ne compte pas être là en janvier prochain.