Allongé sur le lit du haut, dos défoncé par le matelas miteux, l'odeur de l'urine et de la transpiration de mon co-détenue m'agressant les narines, mon regard est fixé sur le plafond et mon attention est porté sur l'extérieur. Essayant de capter les informations nécessaires pour savoir quelle heure il est actuellement, je fini par fermer les yeux alors que les souvenirs de cette dernière année me reviennent en pleine face. D'autant plus, car aujourd'hui est le jour de ma libération, après avoir passé plus d'un an derrière les barreaux pour un crime que je n'ai pas commis, mais pour lequel je me suis dénoncé afin de protéger le club. Et peu importe les questionnements des agents de police, des juges et des avocats, je n'ai jamais rien dit, jusqu'à ce qu'ils ne décident qu'ils n'aient pas assez de preuves à retenir contre moi. Du coup, je suis libéré, et même pas de façon conditionnelle. N'est-ce pas magnifique ?

Prenant une profonde inspiration, je soupire doucement et affiche un sourire amusé, m'imaginant déjà la réaction de Maïna lorsque je débarquerais tout à l'heure sur le perron de notre porte. Elle sait que je vais sortir, mais les seuls qui sont au courant de l'heure exacte de ma sortie, ce sont les membres du club. Liam m'a d'ailleurs fait la promesse de venir me chercher. Ainsi, je pourrais faire la surprise à ma sœur et ensuite reprendre une vie tout à fait normale. Car au final, tout est déjà réglé : je vais reprendre mon post chez mon ancien boss dans le garage près de l'Outsider bar ainsi que mes fonctions au sein du Club. Et pour le reste, on verra, chaque chose en son temps.

Le bruit des pas qui s'avancent vers la cellule et qui s'immobilisent devant la porte ainsi que le cliquetis significatif lorsque les barreaux s'ouvrent, me sortent de mes pensées. « Tennenbaum, avec moi » le ton bourru du garde m'arrache un léger sourire mi amusé mi-moqueur, alors que je me redresse. Lentement, je me laisse glisser sur le sol et me dirige vers le couloir lorsque la grosse main de mon co-détenu m'attrape l'épaule. « Bon courage là-dehors Jo » me lance Robert lorsque je me tourne vers lui. Levant le regard pour pouvoir le regarder dans les yeux, je lui adresse un sourire entendu. « Bon courage là-dedans » répliquais-je en posant ma main sur son bras.

Il m'observe quelques instants et l'espace d'une seconde, j'ai peur qu'il ne décide de m'attirer contre lui dans un câlin d'au revoir, mais il finit par me lâcher « Pas de conneries hein ! » Me lance-t-il alors que je me recule pour me détourner « Et toi arrête de piquer les chocolats de Jake, t'en as déjà trop manger !» Rétorquais-je en suivant le garde. J'entends encore le rire gras du meurtrier puis emboîte le pas du garde.

En passant à côté des cellules remplies, je me dis que, finalement, cette année n'était pas la pire, comme je l'aurais imaginé. Certes, ce n'est pas une partie de plaisir et les premières semaines étaient horribles, mais une fois que j'ai réussi à gagner le respect de Robert et des autres, j'ai fini par me dire que ça aurait pu être pire. Je me suis pris deux ou trois raclés, mon épaule a été déboîtée au moins deux fois et je crois que j'ai perdu deux ou trois côtes dans la bataille vers le respect, mais ça en valait le coup.

Sans un mot, le garde me file un paquet contenant mes affaires personnelles et je ne me fais pas prier plus longtemps pour retirer ma tenue orange et enfiler mes habits. Ceux-ci sont trop grands vu le poids que j'ai pu perdre en un an et sentent le renfermé, car ils n'ont sans doute jamais vu l'air libre depuis mon arrivée ici et on été entreposés dans un endroit pas forcément très sec, mais ce n'est clairement pas dérangeant. ça me fait même sacrément plaisir de sentir une autre matière que le coton rêche des tenues des prisonniers contre ma peau. Après avoir bouclé ma ceinture et avoir balancé ma veste en cuir sur l'épaule, je relève le visage vers le garde qui m'a observé pendant tout ce temps, et écarte légèrement les bras « Alors ? Je suis comment ? L'orange ne m'allait vraiment pas au teint, non ? » Lançais-je avec un sourire mesquin laissant échapper un rire en le voyant rouler des yeux.

Pour toute réponse, il me fait signe de passer devant lui vers la porte sortie, le dernier rempart entre cette prison et la liberté. Et j'avoue que, pour le coup, j'ai un petit mouvement d'arrêt. Je sais que j'ai envie de retrouver le monde extérieur, mais suis-je vraiment prêt à le faire ? Là, face à cette porte, j'avoue que le courage me manque l'espace de quelques instants. Secondes que le garde a bien remarqué car il s'approche et pose une main sur mon épaule « Personne n'est prêt a sortir d'ici » dit-il et c'est la première fois que j'entends une certaine douceur dans sa voix « mais tu n'as pas le choix » reprend-t-il « Ta vie ne sera plus jamais comme avant mais tu as une deuxième chance pour faire quelque chose de bon  » je pince les lèvres et lance un coup d'œil au dessus de mon épaule « Tu tiens ce discours à tout ceux que tu accompagnes jusqu'ici ?» Demandais-je avec cynisme, le faisant grogner en levant les yeux au ciel. « Allez, dégage de là » dit-il en me poussant vers la porte qui s'est ouverte entre temp « et qu'on ne se revoit plus ici ».

Et c'est ainsi que je fais le premier pas de ma nouvelle liberté et ma nouvelle vie.