the best is yet to come
L'enfance et ses souvenirs souvent enfouis. L'enfance et son insouciance. De ses 1 à ses 9 ans, Melia ne garde que bien peu de souvenirs. Elle se rappelle avoir eu une sœur. Elle se rappelle ses rires, de quelques instants volés à ses côtés. Des jeux qu'elles faisaient ensemble. Et si elle se concentre suffisamment fort, son visage se dessine derrière ses paupières. Sa mémoire olfactive est également particulièrement forte ; une brise d'air peut amener à ses narines un shampooing similaire à celui qu'elles utilisaient étant petites et la mémoire lui revient alors. De son enfance, donc, Melia ne garde que quelques bribes de souvenirs, et c'est parfois presque comme si tout cela ne s'était pas réellement déroulé, comme si elle avait tout inventé. Son subconscient a visiblement essayé de lui faire oublier la majeure partie de ces instants pour lui éviter la souffrance de les avoir perdus à tout jamais. Cela n'est pourtant pas fonctionnel le moins du monde. C'est son inconscient qui est plus fort que tout, et lui ramène tout par vagues, à des moments parfois pas du tout opportuns. Heureusement, elle a aussi les photos, Melia. Et les souvenirs physiques gardés. Un collier en perles ayant appartenu à sa sœur, ainsi qu'une peluche qui était également sienne. Ses parents auraient pu, certainement, lui raconter quelques souvenirs supplémentaires, mais Olivia est un sujet tabou. Tant et si bien qu'elle n'a pas prononcé son prénom depuis au moins une décennie. Le sujet tabou qui ne peut être abordé à table, et qui ne l'a pas été depuis l'année de sa disparition, d'ailleurs. D'avant ses neuf ans, donc, Melia ne se rappelle que de bien peu de choses. Et la plupart de ces choses sont désormais liées à sa sœur, tant le reste lui semble futile et dérisoire.

life is short, live it
A neuf ans, on est bien trop jeune pour comprendre le véritable sens derrière le terme "disparu". Alors quand Olivia a effectivement disparu dans la nature, volatilisée au cours de la nuit du 10 janvier 1998, Melia a mis du temps, beaucoup de temps à comprendre. Des années sans doute. Ce n'est que durant son adolescence qu'elle a fait le lien entre cette disparition subite et la mort de son grand-père quelques mois plus tard, sans doute écrasé par le chagrin de n'avoir pas su prendre au sérieux une légende qui l'était. Ce n'est qu'après ses vingt ans et sa maturité bien là, qu'elle a compris le poids qui lui pesait à elle aussi sur la poitrine, comme une culpabilité sous-jacente de n'avoir pas pu protéger sa sœur, alors même qu'elle dormait à ses côtés cette nuit-là. Ce n'est qu'en entamant sa première véritable relation amoureuse, qu'elle a mis des mots sur la colère qu'elle nourrissait à l'égard de ses parents. Qui, alors qu'elle n'avait que douze ans, l'ont éloigné de sa ville natale (et donc de ses bribes de souvenirs mais aussi de ses amis) pour s'installer à Wellfleet. Qui, ahuris par un chagrin à peine imaginable, étaient aux abonnés absents. Physiquement, ils étaient là. Mentalement, il en allait tout autrement. Ils semblaient être restés figés le 10 janvier 1998, attendant encore la venue de leur fille aînée. Incapables de faire leur deuil de cet enfant, ils ont pratiquement abandonné celle qui, en revanche était bien là. Cet état de fait, Melia n'a pu que le constater avec le temps, et l'accepter d'une certaine façon. Non seulement était-elle devenue fille unique, mais en plus elle a grandi en étant pratiquement orpheline.

the only way is up
De cette adolescence étrange au cours de laquelle Melia n'a pas fait de crise mais bien des conneries pour se sentir exister, est ressortie une jeune femme en apparence des plus apaisées. C'est dans son esprit que se livraient, et se livrent toujours, tous ses combats. Déterminée à exercer un métier la passionnant, Melia a très vite su ce qu'elle souhaitait faire. Durant toute son enfance, ou presque, elle était persuadée de vouloir exercer un métier dans le domaine médical, désireuse d'aider les autres et d'apporter assistance à quiconque en avait besoin. C'est donc tout naturellement qu'après le lycée, elle s'est orientée vers le métier d'ambulancière. Elle ne se destinait pas à de longues études, c'était donc un bon entre-deux pour réaliser son rêve et métier-passion. A défaut d'être des parents émotionnellement présents, ses parents lui ont permis de concrétiser ce projet, et c'est très jeune qu'elle a commencé à exercer. Une petite vingtaine à peine. A l'époque, Melia était déjà un peu plus posée que durant son adolescence où elle avait testé ses limites. Elle essayait d'ores et déjà de se stabiliser, de trouver un équilibre là où ses parents étaient encore du mauvais côté de la balance. C'est à cette époque qu'elle a rencontré son premier grand amour - les petites amourettes d'avant n'entrant pas en ligne de compte - avec qui elle passera ensuite de longues années. A l'époque, elle arrive à se fourvoyer, s'imaginant vouloir une vie de famille avec maison, chien et enfants. Elle s'illusionne à croire que le passé est derrière elle et n'a plus guère d'impact sur sa vie. Elle vit, les premières années en tout cas, un véritable conte de fées où son mental semble toujours au beau fixe.

find a reason to smile every day
Dans cette relation, Melia s'est investie à 100% et ce, dès le départ. Elle ne voulait personne d'autre que lui, elle ne vivait plus que pour cet amour et son travail. Sa mère a certainement réalisé à cette époque-là (alors que Melia se faisait plus rare dans sa vie) qu'elle risquait de la perdre elle aussi si elle ne faisait pas plus d'efforts pour maintenir à flot leur relation. Son père, en revanche, n'a vécu cet éloignement que comme une attaque personnelle. Et c'est à cette époque-là tout particulièrement que leur lien s'est étiolé pour devenir ce qu'il est aujourd'hui : quasi inexistant. Les disputes n'étaient pas rares, les reproches encore moins. Toujours est-il que Melia s'est beaucoup donnée dans cette relation amoureuse, et sans doute qu'elle ne ferait rien différemment si elle devait tout reprendre à zéro. Parce qu'elle l'aimait - ou en tout cas, elle croyait l'aimer. Avec le recul, elle se demande parfois s'il n'était pas qu'un refuge émotionnel dans lequel elle s'est engagée par besoin d'aimer et d'être aimée et pour s'éloigner d'une famille défaillante. Il a été un roc pour elle, et elle ne prétendra jamais le contraire. A l'époque, elle avait besoin de lui, besoin de cette relation. Elle avait donc d'autant plus de raisons de s'investir, et de faire en sorte que cela fonctionne. Tout en restant dubitative quant à sa capacité d'être mère alors qu'elle-même avait reçu une éducation maternelle toute relative, Melia voulait alors des enfants. Mais elle ne voulait pas des enfants ailleurs qu'à Blurrydale. Elle gardait de cette ville des souvenirs rares mais si concrets qu'elle ne se voyait vivre et faire sa vie que là-bas.

die with memories, not dreams
Son compagnon a été relativement difficile à convaincre, lui qui aurait préféré qu'ils aillent vivre à Boston. Mais Melia a su faire preuve d'une détermination à toute épreuve et, forte de son expérience professionnelle, a très vite trouvé du travail sur place. Pour son conjoint, cela a été plus compliqué au départ. 2015, vingt-six ans pour Melia, déjà trois ans de couple avec celui qu'elle estimait être l'homme de sa vie et de nouveau à Blurrydale. Melia ne voyait pas bien comment sa vie aurait pu être plus parfaite. Avec un enfant, peut-être. Mais son conjoint repoussait sans cesse l'idée, sans que Melia s'interroge outre-mesure. D'autant qu'à cette époque, elle démarrait un job dans une nouvelle caserne et qu'elle tenait plus que tout à faire ses preuves. C'était sa principale préoccupation. Le temps de s'installer, de se créer de nouvelles relations et occupations, et de laisser son compagnon en faire de même. Mais Melia, tout à la fois absorbée par son travail et par son retour dans cette ville qui lui amenait souvent des souvenirs douloureux, ne se rendait pas compte d'à quel point c'était compliqué pour lui. A la fois au travail, mais aussi pour se recréer un cercle d'amis. Elle passait aussi beaucoup de temps à se renseigner sur les disparitions, à s'assurer qu'elles étaient bien réelles et que ses souvenirs d'enfance n'étaient pas qu'une chimère créée de toutes pièces par son cerveau détraqué. C'est peut-être, dans le fond, ce qui a mené son couple à sa perte. Ou peut-être pas. Les raisons peuvent également être multiples, et la culpabilité partagée. Et quand cette relation a pris fin pour de bon, Melia n'avait pas imaginé qu'elle ressentirait un tel sentiment de... Libération.

the only way out is through
Alors bien sûr, au départ, ce n'était pas de libération dont il s'agissait. Quand elle a découvert que son conjoint la trompait depuis plus de deux ans, ce n'est pas un sentiment de légèreté qui a gagné Melia. C'est de la rage pure, de la colère. De l'incompréhension aussi. Pourquoi n'avait-il pas fait l'effort de venir vers elle ? De lui parler et d'exprimer ses doutes ? A bien y regarder, Melia avait pris conscience que leur relation allait en fait mal depuis le début ou presque. Des incompréhensions à gauche, des désaccords à droite. Lui voulait vivre à Boston, elle à Blurrydale pour une raison obscure qu'elle ne lui a jamais expliqué. Elle exprimait sa volonté d'avoir un enfant avec lui (comme pour briser la routine, comme si c'était la suite logique et obligatoire après sept ans de couple) - alors que lui pas du tout, et était même fuyant sur le sujet. Alors quand elle a découvert cette relation extra-conjugale et même cet enfant à naître du côté de sa maîtresse, le soulagement n'est pas le premier sentiment qui lui est venu. Mais il a été l'un des suivants. Quand elle a réalisé qu'elle allait pouvoir se retrouver, dans cette ville qui renfermait tant de secrets. Quand elle a su qu'elle était libérée d'une relation qui lui pesait plus qu'elle l'apaisait. La liberté était devant elle, et elle avait bel et bien l'intention d'en profiter - à moindre mesure et tout en restant raisonnable bien sûr -. Son conjoint et sa maîtresse sont rapidement partis vivre à Boston, et Melia a pu partir en quête de la maison parfaite pour sa nouvelle vie. Une vie qui, sans aucun doute, lui correspondrait bien mieux.

take a small step every day
C'est en 2019 que Melia s'est installée au sein d'une petite maison coquette du quartier de Blurrywoods. Une maison qui lui correspondait en tout point, par sa taille, sa disposition et surtout sa localisation, puisqu'elle se trouve non loin de la caserne où elle exerçait déjà avant cet emménagement. Cette maison a également le mérite d'être voisine à celle de quelqu'un de qui elle est proche : nul autre que Thomas Roy. Initialement, c'est une relation de travail qui les lie. Il est son supérieur hiérarchique au sein de la caserne où ils travaillent tous deux. Être le chef de la caserne n'a jamais empêché Thomas de se comporter convenablement (bien au contraire). Ils ont appris, avec les années, à se faire confiance mutuellement, à se reposer l'un sur l'autre et se sont même, avec le temps, liés d'amitié. Thomas est un chef très protecteur, qui sait prendre soin des salariés de la caserne comme il se doit. Et Dieu seul sait comme ce travail n'est pas tous les jours facile ! Quoi qu'il en soit, c'est une véritable relation d'amitié qu'ils ont noué les années passant, avec toutefois toujours (ou presque) une certaine attirance sur laquelle Melia s'est jurée de ne pas agir. Après tout, il s'agit de son collègue, de son chef qui plus est, et en plus de cela elle l'a vu se marier puis devenir père. Père célibataire, puisqu'il perd sa femme dans le même temps. Bien que n'ayant pas d'enfants elle-même, cela semble lui venir naturellement et elle n'hésite jamais à proposer son aide pour les jumeaux, les gardant même parfois. Au moins jusqu'au re-mariage de Thomas qui rend cette aide un peu plus complexe. Leur relation hiérarchique, amicale, d'entraide, les mène à un unique dérapage courant 2023. Une soirée à la caserne, Melia est célibataire (et n'a pas eu de relations sérieuses depuis sa séparation), Thomas fraîchement divorcé. Ils succombent à la tentation avant d'être très clairs l'un avec l'autre : cela ne doit plus jamais se reproduire. Leur situation ne leur permet pas. Pourtant, Melia sait pertinemment que ce ne sera pas chose aisée - pour elle, en tout cas. Cette attirance, elle la ressent jusqu'au plus profond de ses tripes et sait qu'elle a parfois tendance à regarder trop longuement, ou par réflexe, dans sa direction à lui.