(vingt juin deux mille neuf, berlin)
zeke a sept ans depuis quelques mois. et zeke ne sourit plus depuis quelques mois. enfin, plus à ses parents. gamin contrarié. gamin qui boude. qui râle. qui crie. gamin qui se dit brisé. parce que papa et maman lui ont dit qu'ils allaient déménager. loin d'ici. très loin. qu'ils allaient quitter la maison. pas pour quelques mois, pas juste pour les vacances, mais pour toute la vie. la leur du moins. qu'erik, son meilleur ami ne pourrait pas venir. que zeke ne reverrait jamais thor, le berger allemand du voisin avec lequel il a grandit. qu'ils allaient aller aux états-unis, et qu'en plus, il allait devoir uniquement parler anglais là-bas.
alors zeke, il fait la gueule. il ne veut pas y aller. pas du tout. pas même quand son père lui a dit que sa chambre serait deux fois plus grande. qu'il se ferait des nouveaux copains là-bas. pas même quand maman lui a promis de l'inscrire dans une équipe de football américain - le sport qu'il regardait à la télé avec elle, sans en comprendre les règles.
zeke, il n'a même pas été un peu content quand il a compris que c'est pour sa mère qu'ils y allaient. pour un super boulot, qu'elle disait. zeke, il a juste soufflé en lui disant qu'elle ne pensait qu'à elle.

et c'est aujourd'hui le jour du départ. celui où zeke a tellement pleuré qu'il en avait les yeux écarlates et la tête en vrac. ce n'est qu'une fois dans l'avion qu'il est endormi. soigneusement installé entre sa sœur et son père.
ce n 'est que le lendemain qu'ils sont arrivés à destination. qu'il a découvert la maison. sa chambre. et plus tardivement la ville. c'est moche et ça pue. ça a été ses premiers mots pour décrire la ville, la visite s'étant terminé par le port.


(dix janvier deux mille seize, blurrydale)
journée maudite. la ville qui tourne au ralenti. parce que tout le monde sait ce qu'il va se produire. encore. et pourtant, y'a zeke qui est à fond. qui court partout dans la maison. sa sœur est absente - en voyage scolaire. sa mère de garde à l'hôpital et son père parti à l'étranger négocier on ne sait trop quoi. zeke, il a la maison pour lui seul. tout seul. sa mère lui a dit qu'elle était d'accord qu'il invite un ami ce soir, pour ne pas être seul. se disant sûrement qu'en étant deux, enfermés à double tours, zeke serait plus en sécurité. mais zeke, il a mal compris la consigne. ou l'a plutôt adaptée à ce qu'il voulait entendre. si un ami ramène un ami qui ramène aussi un ami, c'est pareil. au final, ils seront entre amis, enfermés à double tours dans la maison. c'est ce soir là que zeke a organisé sa première soirée, en prenant grand soin à piller le bar de son père. ça a été un soir de premières. première soirée. première cuite. premières préliminaires avec une fille qu'il ne connaissait même pas. il l'a eu son moment de gloire, zeke. en sortant de sa chambre avec la fille dans ses pas, du rouge à lèvres un peu partout autour de la bouche et des étoiles dans les yeux. tout ça avant de descendre bien trop rapidement deux ou trois verres de rang et de terminer la tête au-dessus de la cuvette.
le lendemain matin, le réveil n'a pas été de tout repos. quand sa mère est rentrée, ça a gueulé. faut dire qu'il y avait une grosse dizaine de mômes éparpillés dans la maison à pioncer. des cadavres de bouteilles sur chaque table.
c'est depuis cette fameuse soirée que zeke n'a plus jamais eu le droit d'organiser de fêtes chez ses parents.


(infos en vrac)
un. maman est chirurgienne au sein de l'hôpital de cap cod. papa commercial dans le poisson. famille financièrement très aisée mais qui essaie de ne pas trop le montrer. si on oublie la maison qui pourrait accueillir deux familles et l'énorme range rover du père de famille. deux. ses parents ont toujours eu de grandes attentes quant à leurs enfants. ils voulaient le meilleur. qu'ils fassent de grandes études. occupent des postes bien placés (et bien rémunérés). manque de bol, ce n'est pas du tout ce que zeke souhaitait. gamin qui a terminé ses études bien rapidement avant de passer un brevet de coach sportif. maman le voulait au moins kiné. papa le voulait gérant d'une grande société. sale histoire. ses choix ont fait gueuler ses parents. sûrement trop inquiets. trois. sa soeur et lui, ça a toujours été compliqué. parce qu'elle s'est toujours conformée aux attentes de leurs parents. parce qu'elle a ce côté diva que zeke ne supporte pas. ils se supportent lors des repas de famille. s'envoie deux ou trois messages dans le mois pour dire que tout va bien. parce que même si leur relation n'est pas idéale, zeke, il traverserait la terre entière pour lui sauver les miches (et le lui rappeler pour le restant de son existence). quatre. zeke, il a toujours été populaire. du genre a être toujours entouré. au coeur d'une grande bande de "potes". mais zeke, il est sélectif sur ses vrais potes. ceux qu'il suivrait les yeux fermés. ceux à qui il confierait sa vie sans trop s'inquiéter. alors zeke, on peut dire qu'il a deux meilleurs potes et que le reste sont soit des potes, soit des connaissances. mais il fait la différence. cinq. zeke, il a emménagé dans une colocation y'a maintenant deux ans. il aurait pu prendre un logement seul. ou avec l'un de ses meilleurs potes. mais zeke, il a voulu tenter un truc. intégrer une giga coloc. neuf personnes. parce qu'il a ce besoin d'être entouré. que ça vive autour de lui. vivre avec huit autres personnes, ça aurait pu paraître extrême pour certaines personnes. mais zeke, il a vu ça comme l'opportunité de vivre un truc que peu de gens peuvent vivre. et il ne regrette pas. pas un seul instant. c'est un foutoir sans nom, ça braille de tous les côtés, il manque toujours des trucs, y'a toujours quelqu'un qui ne fait pas ses tâches ménagères, mais c'est ça qu'il aime. sept. zeke, il a une réputation de collectionneur. de don juan. pas totalement faux. zeke, il enchaîne les conquêtes. rarement plus d'une fois avec la même personne. zeke, on dit d'lui qu'il tient une liste des personnes avec qui il a couché. qu'il comptabilise tout ça pour faire un concours avec ses potes. c'est qu'des conneries. parce que zeke, il a pas besoin de noter tout ça sur papier. surtout qu'y'a des noms qu'il n'assumerait sûrement pas. zeke, il a les noms, les visages et les corps dans un coin de son crâne. parfois il se mélange un peu. mais tout est là. aucun concours avec ses potes. juste des récits plus ou moins détaillé de ses aventures de la semaine. zeke, ses potes disent qu'il est sponsorisé par durex. et ça l'fait marrer. même si dans l'fond (tout au fond), il sait qu'il fait de la merde. qu'il est forcément passé à coté d'histoires incroyables. huit. il a été en couple une fois. il avait autour des dix-sept ans. elle était belle. elle était convoitée. c'était ce qu'on attendait d'eux. ça a été trop vite. on leur a trop mis la pression. y'a eu des "je t'aime" de balancés sans les penser. même pas eu le temps de s'attacher qu'il avait déjà merdé. il l'a trompé. avec un mec. pour se sortir de cette histoire, il a juste balancé qu'il est polyamoureux. sans savoir si ça pourrait réellement être le cas. parce qu'avant d'être amoureux de plusieurs personnes, il faudrait peut-être déjà l'être d'une seule, non ? neuf. zeke, il fume. du tabac, mais pas que. la clope parce qu'il en ressent physiquement le besoin. le reste parce qu'il en ressent mentalement le besoin. quand sa vie devient trop sérieuse. qu'y'a des questions auxquelles il ne veut pas répondre qui s'immisce dans son esprit. il fuit avec ces merdes. son esprit s'envole, s'apaise. et il se sent tout de suite mieux. dix.c'est un petit con. ce besoin constant d'adrénaline. la recherche du moindre frisson quand sa vie devient trop calme. trop posée. ça a commencé avec les soirées dehors la nuit du dix janvier. les premières faisaient flipper, maintenant il est juste habitué. gamin qui s'est découvert une vocation de spécialiste de sauts de falaise. ses parents se sont fait à l'idée qu'un jour on les appellera parce qu'il se sera fracassé le crâne contre un rocher. couche avec des gens casés juste pour le frisson d'se faire chopper. laisse ses doigts agiles explorer les poches des vacanciers pour les alléger de quelques sous, de quelques conneries. tout ça pour ressentir un brin de fierté, un peu d'adrénaline, un truc qui l'fera se sentir intouchable pendant quelques minutes.