identité. vermine. cassos. loser. raté. bouseux. pouilleux. hippie. pédé. tarlouse. dégénéré. enfoiré. fils de pute. déchet. jolie collection de mots qui n'ont plus aucun sens pour qui que ce soit. ils ont forgé l'adulte qu'il est devenu. ont fait de lui qui il est désormais. des paroles qui viennent de partout et de nulle part en même temps. des lèvres qui s'agitent sans parvenir à le blesser. la carapace de Luke est solide, elle se transforme en désinvolture. deuxième des Bluebird, il est devenu celui que l'on oublie de citer tellement il y en a. pas le premier, pas le plus beau, pas le plus extraordinaire, pas le plus mauvais non plus. un autre Bluebird, voilà tout. nom de famille qu'on connait très bien en ville, et qui fait régulièrement parler. parce qu'ils font des conneries les enfants Bluebird et que les parents ne sont pas mieux. parce qu'ils représentent tout ce que l'Amérique a au fond d'elle même. le prénom inspiré du beau gosse qui hantait les télévisions l'année de sa naissance, l'éducation au pepsi et aux films d'action, la pauvreté et la bêtise, et cette blague récurrente que de s'appeler Luke lorsque l'on a si peu de chance. âge, date et lieu de naissance. la date est maladroite, tout comme le reste de son être. gamin qui a vu le jour un matin de janvier, le dix, de l'année 1994. l'année du partenariat pour la paix, du décès de Nixon et de Forrest Gump. jour foireux pour celui qui n'a pas le droit de s'amuser sans que les regards ne se tournent et ne jugent. fils de Blurrydale, d'une famille qui a du mal à y faire sa place. cette année Luke aura trente ans. un âge important pour lui, le symbole d'une vie d'adulte qui tarde à venir. à son âge ne devrait il pas être marié, avoir des enfants ? ne faudrait il pas qu'il ait un beau boulot dans un tout aussi beau bureau ? trente ans, c'est l'âge d'une raison qui ne vient pas. mais qui sait, peut-être qu'enfin sa vie va changer ? l'espoir ça le connait, lui qui prend soin des autres. un jour, c'est évident, on viendra lui rendre la pareille. origines et nationalité. la bannière étoilée flottant devant le pavillon de ses parents, le même drapeau en stickers à l'arrière du van dans lequel il se balade. les Bluebird sont ce que l'Amérique a de plus pure. le rêve américain mélangé à la misère de générations de ratés qui se sont enchainés. il parait qu'ils ont des origines européennes dans la famille. comme beaucoup d'autres, qu'il aime répondre Luke. elle est loin l'Europe, il n'y a plus que les enfants du capitalisme et de la manipulation. et ça lui convient, au brun. parce que c'est comme ça, parce qu'il ne peut rien faire pour changer les choses. statut civil et orientation sexuelle. ça aurait pu être une belle histoire entre les deux. une rencontre comme un coup de foudre, un premier baiser sous la pluie et deux corps qui s'étreignent toute la nuit. le genre de romance que l'on pourrait presque envier, quand le temps est au beau fixe. mais c'est ça le problème entre Luke et Maxwell. les deux hommes ne savent pas s'aimer sans se faire mal. combien de fois ont-ils rompu ces sept dernières années ? combien de fois Luke a-t-il juré qu'il ne retomberait plus jamais dans les bras de son ex petit ami ? le même ballet à chaque fois. de grandes disputes puis de grandes retrouvailles. la dernière rupture remonte à sept mois, sept mois qu'il est célibataire Luke. qu'il embrasse en enlace en se demandant s'il est jaloux, son aimé. s'il a entendu parler de ses dernières conquêtes, de ses dernières aventures. c'est toujours comme ça entre eux. ils essaient aussi dur que possible de se reconstruire, d'oublier, de passer à autre chose, et puis soudainement la rechute, la peau qui réclame l'autre peau et la bouche qui dévore l'autre bouche. la première fois qu'ils se sont embrassé Luke avait vingt-trois ans. il vivait encore chez ses parents, trimant déjà pour eux. serveur dans un bar, habitué à ce que les femmes viennent flirter avec lui, avant qu'il ne finisse dans leurs lits. bisexualité affirmée malgré les regards et les jugements -même ceux de son père. et pourtant c'est la première fois qu'un homme se prêtait à l'exercice du flirt aussi ouvertement. ils ont fini nu dans la réserve du bar, et Luke a été viré le soir même, un sourire rayonnant sur le visage. il se dit parfois qu'il aurait dû en rester là, une bonne partie de baise et un salaire en moins. mais non, Max est resté dans sa vie, a trouvé l'endroit parfait pour s'accrocher sans que Luke ne puisse s'en débarrasser. mais cette fois c'est la bonne, qu'il répète à qui veut bien l'écouter encore. parce que Max l'a trompé, et qu'on ne pardonne pas l'adultère, pas vrai ? cette fois il n'ira pas lui courir après, ne retombera pas dans ses bras, c'est juré. surtout qu'il a d'autres problèmes sur les épaules Luke. un problème particulier surtout. Izzy, son amie d'enfance, sa meilleure amie. et l'énorme ventre qui pousse depuis qu'ils ont couché ensemble, juste après la rupture des deux hommes. un moyen de se consoler comme souvent, mais dont les conséquences sont désastreuses. Izzy est enceinte de sept mois, sept mois que Luke cherche une solution pour lui offrir la meilleure vie possible. sept mois qu'il sait, qu'il se prépare. sept mois qu'il garde le secret, terrifié à l'idée que sa famille n'apprenne la vérité sur la paternité de l'enfant. terrifié à l'idée que Max ne passe à autre chose après ça. emploi et activité, situation financière. deux faces d'une même pièce, deux vies dans une même existence pour le maladroit. le jour et les mains qui se salissent, le dos qui se casse et la fatigue qui s'accumule sous la poussière. mais ça vaut le coup quand ses mains tombent sur les chiens enjoués du refuge. d'abord bénévole à côté d'autres jobs, il a fini par être embauché au refuge où il s'occupe des animaux mais également de la maintenance des bâtiments. il est intelligent pourtant, aurait pu faire de grandes études s'il était né ailleurs. une passion pour les mots, et un talent inné pour les mathématiques. son premier salaire, il avait quinze ans lorsqu'il l'a obtenu. a écumé les boites et les expériences, touche à tout aux doigts miraculeux. faire des petits travaux, ranger, nettoyer ça ne le dérange pas. c'est déjà lui qui s'occupe de la baraque de ses parents depuis des années, depuis que son père n'est plus en état de le faire. ça lui ramène assez d'argent pour vivre, et puis ça lui permet de voir du monde. sans compter les animaux qu'il adore, et qui lui permettent de se changer les idées. parce qu'ils sont moins difficile à gérer que sa fratrie, parce qu'ils sont bien moins exigeants. et puis il y a le soir, lorsqu'il rejoint son van. quand ses doigts tombent sur la guitare qu'il a piqué à un vieux du quartier lorsqu'il était gamin. écrire, composer, chanter, c'est ça ça vrai passion. la musique comme seule échappatoire, comme grande ambition. il a monté un groupe de rock avec ses meilleurs amis, January. pas très malin comme nom, ça ils le savent, mais au moins ça parle aux gens du coin. les heures passées ensemble ne se comptent plus, avec le rêve silencieux de pouvoir faire plus, mieux. les concerts ne sont pas nombreux et les moyens manquent pour l'enregistrement d'un album. mais ils continuent, adolescents qui se rêvent rockstars. ils auraient pu partir sur les routes, tenter leur chance ailleurs. ils sont restés parce qu'il refuse de quitter sa famille, cette fratrie qui a bien plus besoin de lui qu'elle n'ose l'avouer. situation familiale. numéro deux sur une série de neuf enfants. au début il aimait bien, l'arrivée des gosses. et puis ça a commencé à faire beaucoup pour l'enfant que l'on a complètement oublié. trop grand pour avoir besoin d'aide, trop petit pour être celui que l'on écoute. l'éternel second qui ne cherche plus à se démarquer depuis longtemps. il a compris, Luke, que c'était mort. que ce n'est pas dans sa famille qu'il pourra se démarquer. le nom de son père comme tatouage qui prouve au reste de la ville qu'il est un raté, qu'il est destiné à l'échec. pourtant il arrive à les aimer, ses parents. il arrive à voir quelque chose en eux que les autres ne voient pas. à blurrydale depuis. toujours, parce qu'on a pas eu les moyens de bouger dans la famille. parce qu'on a pas osé quitter les autres et les laisser dans la merde. c'est ensemble ou rien, voilà tout. et tant pis si c'est ensemble dans la merde, dans cette ville qu'il connait par cœur et qui n'a plus rien à leurs apporter. quartier. la route pour maison, le monde pour jardin. si son van a tendance à stationner du côté de Whalers Bank, il ne saurait dire où il habite vraiment. son courrier il le récupère chez ses parents une fois de temps en temps, et pour le reste il se débrouille comme il peut. un choix qu'il a fait, un choix facile à faire. c'est pas bien cher comme vie, ça lui permet d'être libre, de ne pas squatter chez ses parents à bientôt trente ans. et puis il passe la quasi totalité de son temps chez Maxwell -du moins, quand ils sont ensemble. le reste du temps, c'est chez Izzy qu'il le passe. groupe. wind of change.

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traits de caractère. l'éternel second, voilà ce qu'il est. voilà la vérité derrière le visage souriant de Luke. ça fait bien longtemps qu'il a compris qu'il ne serait jamais que l'ombre de son ainé, et ça lui va. parce qu'il l'aime, et qu'il aime cette famille qu'ils constituent tous les neuf. il n'a pas l'ombre d'un égo Luke, ne se fâchant jamais -sauf lorsqu'il s'agit de Maxwell. l'exception à la règle, la seule raison pour laquelle il change l'homme. garçon simple, qui s'arrange et qui se dévoue. un type fiable, qui protège dans l'ombre, qui s'occupe des autres sans demander son reste. Luke qui ne se plaint jamais, se contentant d'écrire dans ses chansons ses rêves et ses frustrations. tout chez lui est simple, sauf sa façon d'aimer. c'est que si ses parents ont toujours été absents, au moins ont-ils été un bel exemple de romance. le maladroit a toujours voulu la même chose, ces regards qu'ils se partagent les deux étrangers qui l'ont mis au monde. cette douceur dans leurs gestes. la forme d'amour la plus pure pour lui qui n'a pas reçu celui de ses parents. alors il laisse faire Luke, il suit l'influence du vent dans ses cheveux. une routine de surface. le silencieux cache en lui un artiste, un rêveur, un homme loyal. un acharné qui ne sait pas se protéger. un maladroit qui ne sait pas dire non. un indécis qui ne sait pas s'arrêter.

que pensez-vous des disparitions annuelles, quel impact ont-elles sur votre vie ? ça ne devrait pas être une fête, ce jour là. il ne devrait pas se réveiller le sourire aux lèvres, se demandant ce qu'il pourrait bien faire d'amusant pour célébrer son premier cri. l'anniversaire tombe mal, il le sait, mais il n'y peut rien. pas de sa faute si sa mère a décidé d'accoucher de son deuxième enfant alors qu'on enlevait une jeune femme à l'autre bout de la ville. bien sûr que lui aussi, il trouve ça terrible. et bien sûr qu'il s'inquiète pour ses sœurs, ses frères aussi. mais ne pas fêter son anniversaire ? pas question. s'il y a bien un plaisir qu'il s'offre, c'est cette journée où il prend le temps de penser à lui. de faire de la musique, le plus souvent. ils ont été critiqué, lui et ses potes, le jour où ils ont décidé de renommer leur groupe January. un mois qui pourrait ne rien vouloir dire, sauf qu'on est à Blurrydale, et que janvier est symbole de tristesse et de peur. du mauvais goût, même son père le dit. n'empêche qu'ils fonctionnent mieux depuis qu'ils portent ce nom.

un des quatre éléments. l'air, vent de liberté qu'il apprécie. chant qui fait bouger les branches, qui accompagne ses frères et sœurs sur leurs routes. rarement tempête, Luke vaut mieux que ça. un des cinq sens. la voix, gamin pourtant discret, il sait se faire entendre dès qu'il s'agit de sa musique. il chante Luke, sans sembler vouloir s'arrêter. un des sept péchés capitaux. l'envie. plus tenace que la jalousie, plus perfide aussi. parce qu'il voit depuis toujours les autres familles, ce qu'ils auraient pu être eux aussi. ils n'ont pas grandi avec grand chose les Bluebird, et c'est injuste. alors parfois il dérape Luke, il se sert par lui même. ne peut pas s'en empêcher, ne sait pas s'arrêter. une émotion. l'euphorie qui le prend dès qu'ils montent sur scène, avec son groupe. cette vibration dans tout son corps, sous sa peau, et l'envie de crier de joie. une explosion qui le pousse à faire l'idiot, à se dépasser. la chute est toujours douloureuse, mais il s'en fiche. le bonheur est si intense, il lui donne l'impression de voler. une odeur. la lessive qu'utilise Izzy pour lui laver ses fringues quand il passe chez elle. c'est elle qui a insisté, refusant de le voir se ruiner à la laverie. ça lui donne une bonne excuse pour l'inviter encore et encore chez elle, en espérant qu'il accepte de rester. une chanson. zero, par imagine dragons. pas le genre de musique qu'il assume écouter devant les copains, mais il faut avouer que cette chanson en jette. une mauvaise habitude. une addiction, celle aux réseaux sociaux. il a du mal à s'en séparer, de son téléphone. poste tout, tout le temps, partout. c'est facile de dire que c'est pour le groupe, que c'est pour sa musique. la vérité ? il est accro au like. un objet du quotidien. sa montre, seul bien qui puisse avoir un peu de valeur dans ses affaires. un cadeau de Maxwell, un des rares qu'il a gardé. une légende de blurrydale. Whalers Bank et son monstre marin, vieil ami qu'il voudrait voir un jour. ombre qui se voulait menaçante dans son enfance. "sois sage, ou il viendra te chercher." il aurait voulu, Luke, qu'on vienne le chercher. n'importe qui, même le monstre. un lieu de blurrydale. les docks de whalers bank. c'est là qu'il gare son van la plupart du temps, se contentant du bruit de la mer pour s'endormir. c'est pas loin de chez ses parents, pas loin de son bar favori, pas loin de cet océan qu'il adore.