« Tu penses que je pourrai voler un jour ? » La question est posée alors que t’es au parc avec ton père et que tu regardes les oiseaux. Il écoute la question avant d’en rire, n’y voyant là que la curiosité d’une gamine avide de connaissance. Bien sur, il a trouvé ça moins mignon quand t’as continué à poser mille et une questions au fil des journées. T’as commencé en explorant les possibilités de voler tout tout simplement, comme les oiseaux, puis tu t’es rabattue sur la possibilité de piloter un avion.
Rien de tout ça n’est resté.

« Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas avoir un dinosaure ? » T’étais bien jeune quand t’as posé la question. Tu jouais dans un bac à sable à extraire des peluches enterrée à la manière d’un paléontologue dans une fouille. Est-ce que c’était digne de cette comparaison ? Sans doute pas, mais c’est le premier signe d’un intérêt marqué pour la chose. Qui sait si c’était l’envie de creuser dans le sable ou le bonheur de t’intéresser aux dinosaures. Ça n’a que bien peu d’importance. C’était les balbutiements d’une scientifique qui se découvrait.
Mais ça non plus ce n’est pas rester.

« Poppy Chatterton ! Qu’est-ce que tu crois que t’es en train de faire ? » Ta mère te surprend les deux pieds dans l’eau, ta robe toute salie par la boue qui s’y trouve. Est-ce que tu y as pensé un seul instant avant d’y plonger les pieds ? Du tout. T’as vu un petit crabe et c’est tout ce qui t’a intéressée. C’est comme ça que ta passion s’est fixée, en regardant les créatures lors de vos voyages à la plages. Tant pis si tu salissais ta robe ou si tu traumatisais tes adelphes en les poursuivant avec des méduses au bout d’un bâton. T’as découvert ta passion.
Et les piqures de méduse ? T’as survécu.

« Non, ça me convient plus, tu peux partir. » Tu relèves à peine la tête de ton manuscrit en disant la chose. Tu ne sais même plus pourquoi elle a commencé à te parler de votre relation, mais au final, ça a juste précipité la fin. T’es pas du genre à t’attachée, pas du genre à te prendre la tête surtout. Tes livres et l’observations de la nature ont toujours été plus important à tes yeux. Ce qu’elle en pense, t’en as un peu rien à faire. Les romantiques diront qu’elle n’était tout simplement pas la bonne, les cyniques se demanderaient s’il y a simplement une personne pour toi. Et toi ? Toi tu t’en fiches.
C’est certainement pas ton coeur qui se fait briser.

« Madame, comment expliqueriez-vous les ressemblances entre des créatures marines et  celles qui vivent sur terre ? » Peut-être que la question est pertinente, après tout, tout le monde peu remarquer les ressemblances, il suffit de penser aux nudibranches qui ressemblent à des lapins ou des moutons. Et pourtant, ta voix vient casser l’idée alors que tu t’assoies sur le bureau en bas de l’amphithéâtre. « De la même façon que je m’explique vos questions, c'est-à-dire pas du tout. » Tu soupires avant de relever la tête. « Mais vous pourrez en faire votre travail de session si cela vous inspire autant. » L’étudiant grimace à ta suggestion, mais ne dit rien de plus.
À croire que ta réputation a fait le tour de ta classe.